Des leçons en style hip-hop : c’est ce que propose aux collégiens une nouvelle application venue d’Angleterre. Elle est officiellement présentée ce mercredi.

Soixante ans après le « Rosa » de Jacques Brel, qui scandait les déclinaisons latines dans son « tango des forts en thème, boutonneux jusqu’à l’extrême », l’idée d’apprendre en chantant refait surface dans une version 2.0. Officiellement présentée ce mercredi, une application venue d’Angleterre, Studytracks, a mis en musique les programmes des classes de quatrième et troisième sous la forme de… raps.

Des fractions au subjonctif, en passant par la géographie des espaces productifs agricoles, 125 chansons déclinent les principales notions du brevet dans des styles hip-hop inspirés de Soprano ou de Bigflo & Oli. Les textes, eux, restent ultra-sérieux et ressemblent à de vraies fiches de cours.

Il n’y a pas de rimes, « pour ne pas risquer des approximations pour satisfaire la forme », et chaque paragraphe du cours est répété trois fois dans la chanson, « pour laisser le temps à l’élève de mémoriser », explique George Hammond-Hagan, un producteur de musique britannique, à l’origine du concept après avoir mis en musique les cours de son fils Paris, qui peinait à réviser sa physique.

Une application testée en cours

L’application, dans sa version anglophone, compte à ce jour, selon ses concepteurs, 175 000 utilisateurs. « Il n’y a aucune raison que ça ne fonctionne pas aussi ici, du moment qu’on adapte les chansons aux programmes et aux goûts des jeunes Français », parie Alexandre Houpert, chargé de développer le projet de notre côté de la Manche.

Contrairement à d’autres leçons rappées, qui traduisent des notions de philo ou de maths dans le langage de la rue, ces titres-ci « pourraient être tout droit sortis du bulletin officiel », commente Julien Cabioch, professeur de SVT dans un collège d’Ille-et-Vilaine, qui a testé le cours rappé ce mardi, pour Le Parisien, à l’occasion d’un cours sur la génétique avec ses 3e.

« Au bout de quatre écoutes, les élèves connaissaient le refrain par cœur : tous les titres ne se valent pas mais certains sont très efficaces », estime l’enseignant. Mais il doute que tous les ados paieront les 4,99 € d’abonnement mensuel. « Et puis certains m’ont dit que chanter Pythagore dans la cour, c’est un peu la honte quand même… »

Félix, collégien parisien et fan d’Orelsan, juge les chansons « pas mal » et le flow des chanteurs « assez bon ». Le compliment ravira Mathieu Guszkiewicz, professeur de français près de Maubeuge (Nord)… et rappeur à ses heures, qui prête sa voix à plusieurs titres.

Une expérience scientifique en cours

« À l’âge de mes élèves, je chantonnais pour apprendre mes leçons, je me dis que ça peut les aider d’avoir quelques cours résumés dans leurs téléphones, entre deux de leurs tubes préférés », raconte ce prof de 29 ans, ravi de pouvoir concilier son amour de la littérature et sa passion pour le rap.

Qui aidera-t-il avec ses scansions sur le conditionnel présent ? « Ceux qui sont loin de l’école, hasarde Mathieu Guszkiewicz. On ne demande pas à un non sportif de commencer par courir un marathon… Là, c’est une manière de les intéresser en allant sur leur terrain. »

L’idée, en tout cas, intéresse des chercheurs. À l’université de Bourgogne, Emmanuel Bigand et Laura Ferreri, neuroscientifiques spécialistes des liens entre cerveau et musique ont commencé à tester l’application, pour évaluer scientifiquement ses effets sur la mémorisation de 400 étudiants en licence. Les résultats sont attendus dans quelques mois.

Texte tiré du Le Parisien